Idylles
Voix seule
Trois poèmes de Victor Hugo extraits du Groupe des Idylles
Longus – Pétrarque – Ronsard
(2023)
Durée : env. 9’
Voix seule
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Textes extraits de La Légende des siècles/Le Groupe des Idylles de Victor Hugo
1 - XI LONGUS Chloé nue éblouit la forêt doucement ; Elle rit, l'innocence étant un vêtement ; Elle est nue, et s'y plaît ; elle est belle, et l'ignore. Elle ressemble à tous les songes qu'on adore ; Le lys blanc la regarde et n'a point l'air fâché ; La nuit croit voir Vénus, l'aube croit voir Psyché. Le printemps est un tendre et farouche mystère ; On sent flotter dans l'air la faute involontaire Qui se pose, au doux bruit du vent et du ruisseau, Dans les âmes ainsi que dans les bois l'oiseau. Sève ! hymen ! le printemps vient, et prend la nature Par surprise, et, divin, apporte l'aventure De l'amour aux forêts, aux fleurs, aux cœurs. Aimez. Dans la source apparaît la nymphe aux doigts palmés, Dans l'arbre la dryade et dans l'homme le faune ; Le baiser envolé fait aux bouches l'aumône.
2 –
XIII PÉTRARQUE Elle n'est plus ici ; cependant je la vois La nuit au fond des cieux, le jour au fond des bois ! Qu'est-ce que l'œil de chair auprès de l'œil de l'âme ? On est triste ; on n'a pas près de soi cette femme, On est dans l'ombre ; eh bien, cette ombre aide à la voir, Car l'étoile apparaît surtout dans le ciel noir. Je vois ma mère morte, et je te vois absente,] Ô Laure ! Où donc es-tu ? là-bas, éblouissante. Je t'aime, je te vois. Sois là, ne sois pas là, Je te vois. Tout n'est rien, si tout n'est pas cela, Aimer. Aimer suffit ; pas d'autre stratagème Pour être égal aux dieux que ce mot charmant : J'aime. L'amour nous fait des dons au-dessus de nos sens, Laure, et le plus divin, c'est de nous voir absents ; C'est de t'avoir, après que tu t'es exilée ; C'est de revoir partout ta lumière envolée ! Je demande : Es-tu là, doux être évanoui ? La prunelle dit : Non, mais l'âme répond : Oui.
3 –
XIV RONSARD C'est fort juste, tu veux commander en cédant ; Viens, ne crains rien ; je suis éperdu, mais prudent ; Suis-moi ; c'est le talent d'un amant point rebelle De conduire au milieu des forêts une belle, D'être ardent et discret, et d'étouffer sa voix Dans le chuchotement mystérieux des bois. Aimons-nous au-dessous du murmure des feuilles ; Viens, je veux qu'en ce lieu voilé tu te recueilles, Et qu'il reste au gazon par ta langueur choisi Je ne sais quel parfum de ton passage ici ; Laissons des souvenirs à cette solitude. Si tu prends quelque molle et sereine attitude, Si nous nous querellons, si nous faisons la paix, Et si tu me souris sous les arbres épais, Ce lieu sera sacré pour les nymphes obscures ; Et le soir, quand luiront les divins Dioscures, Ces sauvages halliers sentiront ton baiser Flotter sur eux dans l'ombre et les apprivoiser ; Les arbres entendront des appels plus fidèles, De petits cœurs battront sous de petites ailes, Et les oiseaux croiront que c'est toi qui bénis Leurs amours, et la fête adorable des nids. C'est pourquoi, belle, il faut qu'en ce vallon tu rêves. Et je rends grâce à Dieu, car il fit plusieurs Èves, Une aux longs cheveux d'or, une autre au sein bruni, Une gaie, une tendre, et quand il eut fini Ce Dieu, qui crée au fond toujours les mêmes choses, Avec ce qui restait des femmes, fit les roses.