Cantique des cantiques
4 voix de femmes
(2014)
Durée : env. 33’
Commande du quatuor Méliades
Création mondiale le 3 octobre 2014 au Théâtre de Brive par le quatuor Méliades
Enregistrement : CD Ad Vitam records (AV 180315) – May 2018
CHOC Classica – 4 Diapason (juillet 2018)
Extrait 1 (captation de la création) :
Extrait 2 (captation de la création) :
Extrait 3 (captation de la création) :
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« Je vous en conjure… » (extrait video)
« Que tu es belle… » (extrait video)
L’intégration du « Cantique des Cantiques » dans les rouleaux poétiques de la Bible fut tardive et fort discutée en raison de la sensualité très imagée des évocations amoureuses. C’est à la tradition augustinienne, qui voit là les noces spirituelles du Christ et de l’Eglise, que ce texte doit sa place dans la liturgie.
Car il s’agit bien d’amour, de désir et de plaisir dans ce drame poétique qui met en scène un peuple, des jeunes filles, un berger, une jeune femme, et le roi Salomon lui-même (par ailleurs auteur présumé du texte).
Quelques coupures ont été nécessaires pour établir le livret de cette oeuvre qui se nourrit de plusieurs traductions pour une meilleure adéquation musicale.
Il en résulte une pièce en 12 tableaux d’environ 35 minutes, où seules 4 voix de femmes se partagent les rôles des divers personnages, dessinent les contours colorés de multiples images poétiques, et conduisent un flux narratif qui va de la plus grande des douceurs à la plus violente des inquiétudes.
Patrick Burgan
Texte
I
Choeur :
Le Chant des chants, de Salomon.
II
Elle :
Qu’il me baise des baisers de sa bouche!
Jeunes filles :
Tes caresses valent mieux que le vin,
Tes parfums ont une odeur suave;
Ton nom est une huile qui s’épand;
C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment.
Entraîne-moi, nous courrons après toi !
Elle :
Le roi m’a introduite dans ses appartements…
Jeunes filles :
Nous nous égaierons, nous nous réjouirons à cause de toi;
Nous priserons tes caresses plus que le vin.
C’est avec raison que l’on t’aime.
III
Elle :
Je suis noire mais belle, ô filles de Jérusalem,
Comme les tentes de Kêdar, comme les pavillons de Salomon.
Ne prenez pas garde à mon teint noir:
C’est le soleil qui m’a brûlée.
Les fils de ma mère se sont irrités contre moi,
Ils m’ont fait garder les vignes.
Ma vigne, à moi, je ne l’ai pas gardée.
Dis-moi, aimé de mon âme,
Où tu fais paître ton troupeau,
Où tu le fais reposer à midi;
Jeunes filles :
Si tu ne le sais pas, ô la plus belle des femmes,
Sors sur les traces des brebis,
Et mène paître tes chevreaux
Près des huttes des bergers.
IV
Le roi :
A ma cavale attelée aux chars de Pharaon
Je te compare, ô mon amie.
Tes joues sont belles parmi les perles,
Ton cou est beau dans ces colliers.
Nous te ferons des chaînes d’or, pailletées d’argent.
Elle :
Tandis que le roi est étendu,
Mon nard exhale son parfum.
Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe,
Il repose entre mes seins.
Le roi :
Que tu es belle, mon amie, que tu es belle!
Tes yeux sont des colombes.
Elle :
Que tu es beau, mon bien-aimé!
Notre couche est un lit de verdure.
Les solives de nos maisons sont des cèdres,
Nos lambris des cyprès.
Je suis le narcisse de Saron,
Le lys des vallées.
Le roi :
Tel un lys parmi les épines,
Telle mon amie parmi les jeunes filles.
Elle :
Tel un pommier parmi les arbres du bois,
Tel mon bien-aimé parmi les jeunes hommes.
J’ai désiré m’asseoir à son ombre,
Et son fruit est doux à mon palais.
Soutenez-moi avec des raisins,
Fortifiez-moi avec des pommes;
Car je suis malade d’amour.
Sa main gauche soutient ma tête,
Et sa droite m’enlace!
V
Lui :
Ô filles de Jérusalem, je vous en conjure :
Par les gazelles et les biches des champs,
N’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour,
Avant l’heure de son bon plaisir.
Elle :
C’est la voix de mon bien-aimé!
Le voici qui vient,
Bondissant sur les montagnes,
Sautant sur les collines.
Mon bien-aimé pareil à la gazelle
Ou au faon des biches.
Le voici derrière notre mur,
Qui regarde par la fenêtre,
Qui observe par le treillis.
Lui :
Lève-toi, mon amie, ma belle, viens!
Car l’hiver est passé;
La pluie a cessé, elle s’en est allée.
Les fleurs ont paru sur la terre,
Le temps de chanter est venu,
La voix de la tourterelle s’entend dans notre pays.
Le roi :
Lève-toi, mon amie, ma belle, viens!
Ma colombe, qui te tiens dans les fentes du rocher,
Fais-moi voir ton visage,
Fais-moi entendre ta voix;
Car ta voix est douce, et ton visage est beau.
Elle :
Mon bien-aimé est à moi, et moi, à mon bien-aimé
Qui mène paître parmi les lys.
Avant que vienne la fraîcheur du jour,
Et que les ombres fuient,
Reviens!… sois semblable, mon bien-aimé,
A la gazelle ou au faon des biches,
Sur les montagnes ravinées.
Sur ma couche, durant les nuits,
J’ai cherché l’aimé de mon âme ;
Je l’ai cherché mais ne l’ai point trouvé…
Levons-nous, me suis-je dit, et parcourons la ville ;
Dans les rues et sur les places,
Cherchons l’aimé de mon âme…
Je l’ai cherché mais ne l’ai point trouvé.
Les gardes qui font la ronde par la ville m’ont rencontrée:
« Avez-vous vu l’aimé de mon âme ? »
Lui :
Ô filles de Jérusalem, je vous en conjure :
Par les gazelles et les biches des champs,
N’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour,
Avant l’heure de son bon plaisir.
VI
Choeur :
Qu’est-ce qui monte du désert,
Comme colonne de fumée,
Dans les vapeurs de myrrhe et d’encens,
Dans les poudres du parfumeur?
C’est la litière de Salomon,
Entourée de soixante héros,
Des plus vaillants d’Israël.
Sortez, filles de Sion, et regardez
Le roi Salomon,
Avec la couronne dont sa mère l’a couronné
Au jour de ses fiançailles,
Au jour de la joie de son cœur.
Le roi :
Que tu es belle, mon amie, que tu es belle!
Tes yeux sont des colombes,
Derrière ton voile.
Tes lèvres comme un fil écarlate,
Et ta bouche, charmante;
Ta joue est une tranche de grenade,
Derrière ton voile.
Tes deux seins sont comme deux faons,
Jumeaux d’une gazelle,
Qui paissent parmi les lys.
Elle :
Avant que vienne la fraîcheur du jour,
Et que les ombres fuient,
J’irai à la montagne de la myrrhe,
A la colline de l’encens.
Le roi :
Tu es toute belle, mon amie,
Il n’y a point de tache en toi.
Lui :
Tu as ravi mon cœur, ma sœur, ma fiancée,
Le roi :
Tu as ravi mon cœur par ton regard,
Par l’anneau qui orne ton cou.
Lui :
Comme elles sont belles tes caresses, ma sœur, ma fiancée!
Le roi :
Comme elles sont douces tes caresses,
Comme elles valent mieux que le vin.
Lui :
L’odeur de tes parfums surpasse tous les baumes !
Le roi :
Tu es un jardin clos,
Lui :
ma sœur, ma fiancée,
Le roi :
Une source fermée, une fontaine scellée.
VII
Elle :
Levez-vous, aquilons! Venez, autans!
Soufflez sur mon jardin afin que les parfums s’épandent!
Que mon bien-aimé entre dans son jardin,
Et qu’il mange ses fruits exquis!
Lui :
Je suis entré dans mon jardin, ma sœur, ma fiancée;
J’ai cueilli ma myrrhe avec mon baume ,
J’ai mangé mon rayon de miel,
J’ai bu mon vin avec mon lait…
Mangez, buvez, enivrez-vous !
VIII
Elle :
Je dormais, mais mon cœur veillait…
C’est la voix de mon bien-aimé ; il frappe:
Lui :
« Ouvre-moi, ma sœur, mon amie,
Ma colombe, ma parfaite!
Ma tête est pleine de rosée,
Mes boucles sont pleines des gouttes de la nuit. »
Elle :
« J’ai ôté ma tunique; comment la remettrais-je?
J’ai lavé mes pieds; comment les salirais-je? »
Mon bien-aimé a passé sa main par la porte,
Et mes entrailles se sont émues pour lui.
Je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé;
Alors mes mains ont distillé la myrrhe,
Et de mes doigts elle a coulé
Sur la poignée du verrou.
J’ai ouvert à mon bien-aimé;
Mais mon bien-aimé s’était retiré, il avait disparu.
Mon âme était hors de moi, quand il me parlait.
Je l’ai cherché, et ne l’ai point trouvé;
Je l’ai appelé ; il n’a point répondu.
Les gardes qui font la ronde dans la ville m’ont rencontrée;
Ils m’ont frappée, ils m’ont blessée;
Ils m’ont ôté mon voile, les gardiens des murailles.
Je vous en conjure, filles de Jérusalem,
Si vous trouvez mon bien-aimé,
Que lui direz-vous?…
Que je suis malade d’amour !
Jeunes filles :
Qu’a ton bien-aimé de plus qu’un autre,
Ô la plus belle des femmes?
Qu’a ton bien-aimé de plus qu’un autre,
Pour que tu nous conjures ainsi?
Elle :
Mon bien-aimé est blanc et vermeil;
Sa tête est de l’or pur;
Ses yeux sont des colombes,
Ses joues sont des corbeilles de fleurs parfumées,
Comme un parterre de baumiers;
Ses lèvres sont des lys,
Ses mains : des anneaux d’or,
Son sein :de l’ivoire poli,
Ses jambes : des colonnes d’albâtre,
Posées sur socles d’or.
Son palais n’est que douceur,
Et tout son être est délicieux.
Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami,
Filles de Jérusalem!
Jeunes filles :
Où est allé ton bien-aimé,
Ô la plus belle des femmes?
De quel côté s’est-il tourné,
Pour que nous le cherchions avec toi ?
Elle :
Mon bien-aimé est descendu dans son jardin,
Vers les parterres de baumiers,
Pour mener paître parmi les jardins,
Et cueillir des lys.
Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi;
Il fait paître son troupeau parmi les lys.
IX
Le roi :
Tu es belle, mon amie ;
Charmante comme Jérusalem,
Terrible comme des bataillons.
Détourne de moi tes yeux, car ils me troublent.
Ta joue est une tranche de grenade,
Derrière ton voile.
Il y a soixante reines, quatre-vingts concubines,
Et des jeunes filles sans nombre.
Une seule est ma colombe, ma parfaite.
Les jeunes filles qui la voient la disent bienheureuse;
Reines et concubines viennent la célébrer.
Choeur :
Qui est celle qui apparaît comme l’aurore,
Belle comme la lune, pure comme le soleil,
Terrible comme des bataillons?
Elle :
J’étais descendue au jardin des noyers,
Pour voir les herbes de la vallée,
Pour voir si la vigne bourgeonne,
Et si les grenadiers fleurissent.
Malgré moi, mon âme m’aura poussée
Sur les chars de mon noble peuple.
Choeur :
Reviens, reviens, ô Sulamite!
Reviens, reviens, que nous te regardions.
Lui :
Qu’avez-vous donc à regarder la Sulamite
Comme une danse à deux chœurs?
Le roi :
Que tes pieds sont beaux dans tes sandales!
Les contours de tes hanches sont comme des colliers,
Ton nombril est un calice arrondi
Débordant de vin épicé.
Tes deux seins sont comme deux faons,
Jumeaux d’une gazelle.
Ton cou est une tour d’ivoire;
Ta tête s’élève comme le Carmel,
Les cheveux de ta tête sont comme de la pourpre !
Lui :
A leurs boucles s’est enchaîné un roi…
X
Lui – Le roi :
Que tu es belle ! Que tu es charmante,
Ô mon amour, dans tes délices!
Ta taille ressemble à un palmier,
Et tes seins à des grappes.
J’ai dit : « Je monterai sur le palmier,
J’en saisirai les rameaux! »
Que tes seins soient comme les grappes de la vigne,
Le parfum de tes narines comme celui des pommes,
Et ton palais comme un vin exquis…
Elle :
… Qui coule à bon droit pour mon bien-aimé,
Et glisse sur les lèvres de ceux qui s’endorment!
Moi, je suis à mon bien-aimé,
Et c’est vers moi qu’il porte ses désirs.
Viens, mon bien-aimé, sortons dans les champs,
Dormons dans les villages!
Lui – Le roi :
Dès le matin nous irons aux vignes ;
Nous verrons si la vigne pousse, si la fleur s’ouvre,
Si les grenadiers fleurissent.
Elle :
Là, je te donnerai mes caresses.
Lui – Le roi :
Je te ferai boire le vin parfumé,
Le jus de mes grenades.
Elle :
Sa main gauche est sous ma tête,
Et sa droite m’enlace!
Choeur :
Je vous en conjure, filles de Jérusalem,
N’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour,
Avant l’heure de son bon plaisir.
XI
Lui :
Habitante des jardins!
Des compagnons prêtent l’oreille à ta voix.
Fais en sorte que je l’entende!
XII
Elle :
Fuis, mon bien-aimé!
Et sois semblable à la gazelle
Ou au faon des biches,
Sur les montagnes des baumiers!