Elle

8 voix de femmes
Poème de Florence Delay (« Revenante »)
(2012)
Durée : 12’
Commande du chœur Britten
Création mondiale le 19 mars 2014 à Lyon par le chœur Britten sous la direction de Nicole Corti.
Editions Symétrie

Ecoute de l’œuvre :

Une présence féminine énigmatique tourbillonne dans une volubilité sombre et inquiète, à coups de phrases courtes et tranchantes : cette première partie du poème de Florence Delay « Revenante » est comme un cri d’angoisse retenu, dont la résonance est ici démultipliée dans une matière profuse sur les huit voix du choeur de femmes.

Puis à l’aveu : « Mon nom est Fille, je dis la vérité », un tissu de douces vocalises fait alors entendre les échos d’un ailleurs serein. Le temps est suspendu…

Ce point culminant, s’il occupe la place centrale du poème, se situe plus avant dans l’oeuvre musicale, au rapport doré des deux-tiers. Car c’est une agitation lumineuse qui désormais précipite l’action et fait se rejoindre les âmes à travers les sons crépitants des blocs de bois et autres bâtons de pluie.

Revenante – Florence DELAY

Sur la colline, elle marche devant moi. Toute proche il y a un instant, je la perds de vue. Ce n’est pas une ombre, non, je vous assure, elle portait sa longue robe d’hiver. Le ciel était sans nuages et les ombres ne sont pas vêtues.

A travers le sous-bois humide, un petit ruisseau me guide. Il s’arrête dans un pré, là pousse du cresson. Vert comme la robe verte qu’elle portait l’été. Mais nous n’étions pas en été. J’ai eu froid, j’ai rebroussé chemin, un coq a chanté.

Elle m’avait dit : tu ne seras jamais seule, je reviendrai. J’ai eu peur, j’ai presque dit non. Oui j’ai dit non. Elle a ri : Promis, je reviendrai. Après son départ, elle est donc revenue.

Mon nom est Fille, je dis la vérité, mon pouvoir est grand. Je te distribue en chantant.

Ceci est un chant contre la peur des fantômes, des esprits et des âmes. Ne fuyons pas, ils ont besoin de nous. Notre pouvoir est grand. Retournons dans leurs lieux préférés, refaisons les mêmes gestes, enfilons leurs vêtements, bavardons avec eux. Si je m’endors dans ses draps, si je respire son parfum, après l’ondée l’heure bleue, elle revient, elle revient.

Elle ouvrait sa fenêtre à l’orage, je l’ouvre. Elle ne fermait pas sa porte à clef, je la ferme, elle passe par la fenêtre. Quand une chouette hulule, quand un chien aboie, quand j’enfile sa cape ou son manteau, elle est là.

Sur les dunes, elle cueillait des oeillets sauvages, dans les champs du blé vert, des herbes dans les bois, les prés, de tout elle faisait un bouquet. Mais moi je vis en ville et je m’offre des fleurs pour la rejoindre.

Écoute de l’œuvre