Nativités

24 voix mixtes
Hymne du Stabat Mater speciosa combiné à des textes italien, espagnol, anglais, français et allemand.
(2005)
Durée : env. 21’
Commande de Musique Nouvelle en Liberté – Paris
Création décembre 2005 – Festival Odyssud (Toulouse-Blagnac) par le chœur de chambre Les Eléments, direction Joël Suhubiette

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1ère partie

2ème partie

3ème partie

« Stabat Mater speciosa / Juxta foenum gaudiosa …»

Ainsi débute le Stabat Mater de la Nativité dont la structure poétique est rigoureusement identique à celle du Stabat Mater dolorosa  de la Passion ; ici, la Mère se tient debout, radieuse, près de la crèche.

Sur cette hymne en latin, fondation d’une œuvre d’environ 21 minutes ininterrompues pour 24 voix mixtes  a cappella, viennent se superposer cinq autres textes du XV°au XX°siècle chantés en italien, espagnol, français, anglais et allemand ; textes profanes cette fois, mais unis autour d’un seul et même thème : le miracle de la naissance d’un enfant.

Ainsi, des sopranos aux basses, chacun des six pupitres de voix chante une langue différente :

Italien (4 sopranos)

Dans son poème, Giovanni Dominici (XV° siècle) nous présente une image très « mère-poule » de Marie. Cette jeune maman ne peut détacher son regard du bébé posé sur le foin de la crèche. Elle est consciente de la grande destinée de ce fils chéri, mais – c’est implicite quoique fort clair – comme elle préférerait le garder toujours contre elle ! Elle souffre comme toute mère de la séparation charnelle. Elle est très humaine.

Espagnol (4 mezzo-sopranos)

Véritable litanie que ce poème-chanson d’Angela Figuera (XX° siècle). Il énumère en quelques strophes toutes les merveilles liées à la naissance d’un homme, dans une habile progression teintée d’images oniriques – voire surréalistes – qui culmine dans la plus touchante simplicité : « Quand un homme vient au monde nous avons tous un frère. »

Latin (4 altos)

Clé de voûte de l’édifice, le « Stabat Mater speciosa » (anonyme, XIII° siècle?), strictement calqué à la rime près sur le « Stabat Mater dolorosa » de la Passion, ouvre et conclut « Nativités ». Le mouvement descendant de l’Amen terminal renvoie bien-sûr au geste initial, ascendant celui-ci puisque la Mère se tient debout (stabat) devant le berceau.

Anglais (4 ténors)

Dans des vers d’un lyrisme sublime, Milton (XVII°) nous présente un hiver glacé et sauvage, une nature compatissante où les vents, les oiseaux et l’océan contemplent l’arrivée du « Prince de lumière ». Les étoiles, sourdes aux appels de Lucifer, écarquillent les yeux; le soleil honteux voit naître un plus grand Soleil; les bergers bavards semblent dépassés par l’évènement; l’air propage les échos divins… Et ce sont encore des symphonies de cristal résonnant sur les basses ronflantes d’un orgue céleste; harmonies de louange qui se taisent peu à peu lorsque la Vierge bénie recouche son bébé.

Français (4 barytons)

Ce n’est pas vraiment un rêve que met en scène Alfred de Vigny (XIX° siècle); plutôt l’ultime réminiscence du monde qu’un nouveau-né vient de quitter. Les anges (ses anciens compagnons de jeu) se pressent autour de lui et insistent sur les merveilles qu’il a quittées, sur la misère de sa nouvelle condition. En réalité, c’est le petit homme que les chérubins envient car il a désormais une mère.

Allemand (4 basses)

Cet hymne à la nuit, si préromantique, est né sous la plume d’Andreas Gryphius (XVII° siècle). La douce mélodie de ces quelques vers nous plonge dans un climat d’extase apaisée; dans la sereine beauté de cette Nuit qui, il y a deux-mille ans, fut plus claire que le jour, plus éblouissante que le soleil.

Une fois les textes choisis et agencés – donc, en quelque sorte, une fois le livret de cette fresque profane-sacrée réalisé – la gageure consistait à donner sens musical et dramaturgie à une juxtaposition littéraire apparemment arbitraire et insensée. La matière sonore est ainsi née des différentes situations engendrées par la mise en regard de ces textes :

Tous, au début, présentent la scène ou introduisent l’action : le chœur déploie progressivement l’éventail de ses 24 voix dans un contrepoint d’une clarté essentiellement diatonique.

Puis vient une prière plus explicite où chacun des pupitres prend tour à tour la parole dans une polyphonie modale à 4 puis à 6 voix avant de laisser les sopranos, puis finalement la colorature solo, chanter la joie de la mère comblée sur un tapis harmonique très fluide.

Pleurs du nouveau-né, douleur irrépressible d’un bonheur maternel trop fort, inquiétude à l’idée de la séparation inéluctable, fanfares tonitruantes des  corps célestes, toutes choses qui déclenchent une partie centrale au contrepoint chromatique très complexe où des filaments de voix s’enchevêtrent jusqu’au point culminant dynamique de la pièce.

Le calme revient avec l’évocation de la mort du corps, certitude acquise dès la naissance mais vite sublimée par un message d’amour et d’espoir ; ici le matériau musical réalise une synthèse entre le diatonisme diaphane du début et le foisonnement chromatique de la partie centrale.

Le ciment musical de cette mosaïque polyglotte est le « Puer natus est » grégorien (tant au niveau rythmique que mélodique) auquel se greffent souvent l’ « Ave Maria » et l’ « Ave maris stella ».

Après un Stabat Mater pour chœur mixte a cappella (1996), puis un Audi Coelum pour ténor, 2 sopranos, chœur mixte et orgue (1998), ces Nativités (2005) viennent clore le triptyque marial destiné au chœur de chambre Les Eléments de Joël Suhubiette.

Patrick Burgan

Concert du 19 mai 2009 – Halle aux Grains de Toulouse

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