Stabat Mater
Choeur mixte
(1995)
Durée : 33’
Commande de l’ Etat
Création mondiale le 16 mars 1996 à Auch par l’ ensemble vocal Les Eléments sous la direction de Joël Suhubiette dans le cadre du festival « Eclats de voix »
Editions Jobert
« O quam tristis » :
« Eja Mater » :
Le texte du Stabat Mater, dû vraisemblablement au pape Innocent III et complété par le moine franciscain Jacopone da Todi au XIIIe siècle, se compose de 20 strophes régulières.
Les 8 premières décrivent la scène du calvaire dans un style narratif aux images très fortes ; on assiste à l’agonie du Christ et au désarroi silencieux de cette mère qui « se tenait debout, en larmes, près de la croix où pendait son fils ».
C’est donc dans une quasi-immobilité que débute l’œuvre, scansion funèbre emplie de longs silences et confiée aux seules voix d’hommes.
Une plainte plus douce avec le mot « Filius » sera suivie par l’entrée des voix de femmes qui vont lentement se déployer en une longue et douloureuse lamentation.
Le retour des scansions funèbres initiales en voix parlées achève cette première partie.
« Ô Mère source d’amour… », douce mélodie du ténor solo, entame une deuxième partie musicale composée de 10 strophes.
C’est une longue prière à la Vierge qui commence, lumineuse, pleine de ferveur et d’espoir, avec une utilisation très orchestrale de la polyphonie dont le balancement régulier soutient le duo ténor-soprano.
Nous arrivons ainsi au centre du poème avec une dixième strophe qui sanctifie la Mère : le mot « Sancta » est vocalisé par la voix de soprano puis développé en une fugue qui précipite peu à peu le discours pour le faire littéralement exploser quand la prière devient plus pressante (« Ô Vierge illustre… ») et ne peut plus dissimuler son angoisse face à l’ultime jugement et aux flammes infernales.
Suite à cette agitation frénétique, le calme revient dans une troisième partie très courte où la prière s’adresse alors au Christ (« Christe, cum sit… ») ; la basse soliste est soutenue par les scansions funèbres du début de l’œuvre mais dans une couleur cette fois-ci plus fragile et sereine : celle des voix de femmes.
L’œuvre s’éteint doucement dans une plage harmonique étale et tournoyante sur la vocalise du mot « Amen ».
Latin
Stabat Mater dolorosa
Juxta crucem lacrimosa
dum pendebat Filius.
Cuius animam gementem,
contristatam et dolentem,
pertransivit gladius.
O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta
Mater Unigeniti.
Quæ mœrebat et dolebat,
Pia Mater cum videbat
Nati pœnas incliti.
Quis est homo qui non fleret,
Matrem Christi si videret
in tanto supplicio?
Quis non posset contristari,
Christi Matrem contemplari
dolentem cum Filio?
Pro peccatis suæ gentis
vidit Iesum in tormentis
et flagellis subditum.
Vidit suum dulcem natum
morientem desolatum,
dum emisit spiritum.
Eia Mater, fons amoris,
me sentire vim doloris
fac, ut tecum lugeam.
Fac ut ardeat cor meum
in amando Christum Deum,
ut sibi complaceam.
Sancta Mater, istud agas,
Crucifixi fige plagas
cordi meo valide.
Tui nati vulnerati,
tam dignati pro me pati,
pœnas mecum divide.
Fac me tecum pie flere,
Crucifixo condolere,
donec ego vixero.
Iuxta crucem tecum stare,
et me tibi sociare
in planctu desidero.
Virgo virginum præclara,
mihi iam non sis amara:
fac me tecum plangere.
Fac ut portem Christi mortem,
passionis fac consortem,
et plagas recolere.
Fac me plagis vulnerari,
fac me cruce inebriari,
et cruore Filii.
Flammis ne urar succensus
per te Virgo, sim defensus
in die judicii
Christe, cum sit hinc exire,
da per Matrem me venire
ad palmam victoriae.
Quando corpus morietur,
fac ut animæ donetur
Paradisi gloria.
Amen ! In sempiterna sæcula. Amen.
Français
Elle était debout, la Mère, malgré sa douleur,
En larmes, près de la croix ,
Tandis que son Fils subissait son calvaire.
Alors, son âme gémissante,
Toute triste et toute dolente,
Un glaive transperça.
Qu’elle était triste, anéantie,
La femme entre toutes bénie,
La Mère du Fils de Dieu !
Dans le chagrin qui la poignait,
Cette tendre Mère pleurait
Son Fils mourant sous ses yeux.
Quel homme sans verser de pleurs
Verrait la Mère du Seigneur
Endurer si grand supplice ?
Qui pourrait dans l’indifférence
Contempler en cette souffrance
La Mère auprès de son Fils ?
Pour toutes les fautes humaines,
Elle vit Jésus dans la peine
Et sous les fouets meurtri.
Elle vit l’Enfant bien-aimé
Mourant seul, abandonné,
Et soudain rendre l’esprit.
Ô Mère, source de tendresse,
Fais-moi sentir grande tristesse
Pour que je pleure avec toi.
Fais que mon âme soit de feu
Dans l’amour du Seigneur mon Dieu :
Que je Lui plaise avec toi.
Mère sainte, daigne imprimer
Les plaies de Jésus crucifié
En mon cœur très fortement.
Pour moi, ton Fils voulut mourir,
Aussi donne-moi de souffrir
Une part de Ses tourments.
Donne-moi de pleurer en toute vérité,
Comme toi près du Crucifié,
Tant que je vivrai !
Je désire auprès de la croix
Me tenir, debout avec toi,
Dans ta plainte et ta souffrance.
Vierge des vierges, toute pure,
Ne sois pas envers moi trop dure,
Fais que je pleure avec toi.
Du Christ fais-moi porter la mort,
Revivre le douloureux sort
Et les plaies, au fond de moi.
Fais que Ses propres plaies me blessent,
Que la croix me donne l’ivresse
Du Sang versé par ton Fils.
Je crains les flammes éternelles;
Ô Vierge, assure ma tutelle
À l’heure de la justice.
Ô Christ, à l’heure de partir,
Puisse ta Mère me conduire
À la palme des vainqueurs.
À l’heure où mon corps va mourir,
À mon âme, fais obtenir
La gloire du paradis.
Amen ! Pour les siècles des siècles. Amen.