Le plaisir originel
(Mystère hystérique)
7 voix solistes : Sop, Mez, Alt, Hte-C., Tén, Bar, Bas.
Texte d’Edmond Haraucourt : L’Eden, extrait de La Légende des sexes.
(1999)
Durée : 24’
Commande de l’ensemble Les Jeunes Solistes.
Création mondiale le 19 octobre 2002, La Chapelle Largeau (Festival Eclats de Voix), ensemble Les Jeunes Solistes, direction Rachid Safir.
Editions Billaudot
Enregistrement : CD Soupir (Nocturne) – Les Jeunes Solistes
Extrait 1 :
Extrait 2 :
(Mystère hystérique)
pour sept voix solistes a cappella
sur un poème d’Edmond Haraucourt : L’Eden
Le mouvement régulier des respirations sur lequel s’ouvre Le plaisir originel nous plonge dans l’atmosphère mystérieuse de « l’éther infini » ; c’est le souffle de l’origine, le souffle de Dieu. La note ré, vibration née de ce souffle, va ouvrir ses pétales et se déployer chromatiquement pour saluer la lumière du soleil, avant d’étirer ses partiels harmoniques et faire résonner dans une écriture foisonnante « le concert éclatant de la vie ». Tout cela ressemble fort à une création du monde ; c’est tout simplement un jour nouveau qui se lève sur l’Eden où l’on découvre le premier homme seul, encore endormi.
Le mouvement de respirations se fait entendre à nouveau… Sont-ce les ronflements d’Adam, ou le souffle de son créateur qui continue de résonner dans se rêves ? Car Dieu est venu dans la nuit lui dérober une côte et façonner sa compagne. Eve est là, en effet, debout auprès de lui ; elle le regarde un long moment, puis s’impatiente et le réveille à coups de pomme ! Passé le premier étonnement (« Quel est donc ce nouvel animal ? »), la conversation s’engage, et lentement – mais sûrement – Adam et Eve vont se découvrir dans une observation mutuelle à la fois directe et ingénue, avec l’innocence curieuse de deux enfants.
La solennité mystique initiale va glisser alors vers un véritable tourbillon érotique : l’homme et la femme ont enfin appris à se connaître et partagent le premier plaisir amoureux de l’Histoire. Après quoi, c’est d’une oreille beaucoup plus hédoniste que l’on perçoit le retour des respirations à la fin de l’œuvre.
L’Eden est le troisième texte écrit par Edmond Haraucourt pour ouvrir son recueil de « poèmes hystériques » intitulé La légende des sexes (parachèvement nécessaire de l’œuvre de Victor Hugo, bien incomplète selon notre auteur).
Un tel texte, aux atmosphères si diverses et au style si élégamment malicieux, appelait une lecture musicale qui se voit enrichie d’ailleurs par la répartition du dialogue aux sept voix d’un ensemble vocal ; celui-ci a cappella bien-sûr, car la chaude sensualité de ce premier éveil ne peut se satisfaire que de la pureté expressive de la voix humaine.
Patrick Burgan