Cry
Chœur mixte
(2001)
Durée : 3’30
Poème de W. B. Yeats
Commande du Festival de Cork.
Création mondiale le 3 mai 2002, Cork (Irlande), National Chamber Choir, direction Celso Antunes.
Editions Jobert
Enregistrement : CD 48th Cork International Choral Festival
Extrait :
Écoute intégrale
The Sorrow of Love (William Butler Yeats)
The brawling of a sparrow in the eaves,
The brilliant moon and all the milky sky,
And all that famous harmony of leaves,
Had blotted out man’s image and his cry.
A girl arose that had red mournful lips
And seemed the greatness of the world in tears,
Doomed like Odysseus and the labouring ships
And proud as Priam murdered with his peers;
Arose, and on the instant clamorous eaves,
A climbing moon upon an empty sky,
And all that lamentation of the leaves,
Could but compose man’s image and his cry.
Traduction française
Le tintamarre d’un moineau dans les combles,
La lune brillante et tout le ciel laiteux,
Et tout ce qui célèbre l’harmonie des feuilles,
Avaient effacé l’image de l’homme et son cri.
Une jeune fille surgit, lèvres rouges tristes,
Qui ressemblait à la grandeur du monde en larmes,
Condamné comme Ulysse et ses navires
Et fier comme Priam assassiné avec ses pairs;
Elle se leva, et sur les toits de bruyantes clameurs,
Une lune à l’escalade d’un ciel vide,
Et toute cette lamentations de feuilles,
Mais qui ne pouvait que composer l’image de l’homme et de son cri.
Souvenirs d’une création – Festival de Cork, 2001
J’aime l’idée selon laquelle une œuvre devrait toujours porter en elle un élément qui la relie aux conditions de sa conception.
Ainsi, lorsque John Fitzpatrick prit contact avec moi pour me commander une pièce a cappella destinée à être créée à Cork, dans le cadre du festival, par le chœur de chambre national d’Irlande, je vis presque comme une nécessité de mettre en musique un poète irlandais. Mes recherches m’orientèrent vite vers un des plus emblématiques : W.B. Yeats que je ne connaissais que de nom et dont je suis heureux d’avoir découvert la richesse poétique.
Après avoir dévoré une bonne partie de son œuvre, mon choix s’est arrêté sur le poème qui appelait par ses images, son mouvement et sa dramaturgie une résonance musicale : « The sorrow of love » ; c’est ainsi qu’est né « Cry », puisque ce mot qui conclut deux des trois strophes du poème me semblait tellement révélateur de l’atmosphère musicale qu’il faisait un titre idéal.
J’avais fait une belle découverte dans le talent littéraire de W.B. Yeats.
Mais j’ignorais encore les émotions très inattendues que me réservait le voyage pour venir assister au festival et donc à la création de mon œuvre.
Certes le travail de répétition, les ateliers dans lesquels on peut faire partager au public les conditions de réalisation musicale, la magie du concert – donc de la véritable naissance de l’œuvre – tout ceci représente une émotion particulière mais habituelle, prévisible même si toujours très intense.
Je préférerais parler ici de ce qui a été un vrai choc artistique et humain pour moi dans ces quelques jours que je passai dans un pays où je venais pour la première fois.
Tout d’abord – et sans même parler de l’organisation, de l’accueil des invités, toutes choses absolument irréprochables – j’ai été frappé dès le début par la gentillesse et la chaleur du peuple irlandais, son humour, son goût pour l’auto-dérision, sa générosité sans affectation.
De même, un sens aigu du cérémonial (le concours, les concerts, les allocutions du Lord-maire…) laisse naturellement la place à un esprit des plus festifs (les soirées après concert avec chansons, danses endiablées, guiness et whisky irlandais…) : en un mot, ce séjour a été un bonheur !
Sur le plan artistique, le choc a été d’autant plus fort qu’inattendu.
En effet, j’attendais beaucoup de la prestation des divers ensembles invités et candidats au concours ; je n’ai d’ailleurs pas été déçu car l’excellence était au rendez-vous.
Mais la première fois que j’ai vu les enfants de l’école de danse irlandaise évoluer sur la scène du City Hall en clôture de concert, ce fut une révélation : je ne connaissais pas cette danse ; quelle beauté quasi-surréaliste que ces corps coupés en deux, immobiles et figés en haut, virtuoses en bas, et qui plus est animés par des jeunes entre 12 et 15 ans. Cette énergie est restée profondément gravée en moi.
Autre choc inattendu : dans le hall d’entrée d’un hôtel, dans le coin d’une salle, dans un couloir du City hall, de jeunes musiciens que personne n’écoutait jouaient en duos ou trios (violon, flûte, accordéon, baw-rohn, …) des mélodies irlandaises ; j’appréciais encore une fois l’énergie irrépressible qui se dégageait de leurs allers et retours hypnotiques sur le même mode, leur jeu tout en fraîcheur et spontanéité. Je serais volontiers resté des heures à les écouter.
Voilà : des jambes folles virevoltant sous un buste statufié et un groupe de jeunes musiciens prenant un plaisir communicatif à jouer leur musique dans l’indifférence générale sont les deux images intenses d’un séjour inoubliable.
Sitôt rentré, j’avais déjà hâte de retourner en Irlande. J’y suis retourné depuis, et aurai j’espère l’occasion d’y aller le plus souvent possible.
Patrick Burgan