Ciel noir

Chœur mixte
Poème de Joë Bousquet
(1999)
Durée : 5’30
Commande de l’ARIAM-Ile-de France.
Création mondiale le 27 février 2000, Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, le Jeune chœur de Paris, direction Laurence Equilbey.
Editions Jobert

En 1918, à l’âge de 21 ans, Joë Bousquet reçoit une balle dans les vertèbres, qui le laisse paralysé jusqu’à sa mort, une nuit de septembre 1950.
Immobilisé dans une chambre, il est désormais « le corps des mots », et la nuit devient sa compagne. La nuit bien sûr de ses nombreuses veilles, mais aussi la nuit de cette mort qui l’a raté de peu et dont il attend patiemment le retour :

« Puisse en l’attente qu’il endure
Mon cœur las de vivre à demi
Mourir d’entendre le murmure
Qui tient ce qu’il aime endormi »

Ce quatrain conclut La connaissance du soir, recueil dont fait partie le poème Pensefable utilisé ici et rebaptisé Ciel noir dans cette lecture musicale pour chœur mixte.
Dans cette œuvre, un cri de désespoir déchire par deux fois la matière et trouve l’apaisement dans sa propre résonance. Puis la soprano solo survole le tissu polyphonique des « chants dont la fin s’est perdue », tandis que les basses scandent irrégulièrement l’horloge ironique de la providence. Les différentes voix se stabilisent ensuite sur une plage harmonique avant de s’éteindre dans un chuchotement, comme l’on souffle la flamme d’une bougie.

Patrick Burgan

PENSEFABLE

Survis au jour il est une heure
Où la lampe est pleine de fleurs

— Si mes peines sont ce qui pleure
Amour c’est de moi que je meurs
Les beaux jours sont morts sous le nombre
Des baisers tombés de tes mains

— La vie a vécu l’homme est l’ombre
De celui qu’il sera demain

Les chants dont la fin s’est perdue
Parlant entre eux du vent qui dort
Dans l’âme où la nuit est venue
Ont porté le temps comme un mort

Mais le coeur où la nuit s’éveille
Voit survivre aux jours un ciel noir
Dont ta peine est la soeur vermeille
Et l’oubli de toi le miroir

(Joë Bousquet)