La voix

Soprano et piano
(2003)
Poème de Philippe Jaccottet
Durée : 8’
Commande de la Péniche-Opéra
Création mondiale le 14 mai 2003, Paris, Péniche-Opéra, Salomé Haller, soprano et Nicolas Krüger, piano.
Editions Jobert

Ecoute intégrale
La poésie de Philippe Jaccottet, quoique tout en pudeur et retenue, porte l’empreinte d’un grand lyrisme. Sous une apparente simplicité, elle ouvre au lecteur un horizon immense sur le monde, ses apparences et sa réalité cachée. Ici, la voix dont parle le poème est impalpable, inaccessible. Elle est comme « l’invisible oiseau ». Il faut être patient et l’écouter à l’intérieur du silence. Mis en musique, et qui plus est : chanté, ce texte se charge d’une belle ambiguïté : la voix dont on parle n’est pas celle que l’on entend ; même le piano n’en est qu’un miroir déformant. Seul le silence nous le laisse deviner. Et « seul peut entendre le cœur » …

La voix

Qui chante là quand toute voix se tait ? Qui chante
avec cette voix sourde et pure un si beau chant ?
Serait-ce hors la ville, à Robinson, dans un
jardin couvert de neige ? Ou est-ce là tout près,
quelqu’un qui ne se doutait pas qu’on l’écoutât ?
Ne soyons pas impatient de le savoir
puisque le jour n’est pas autrement précédé
par l’invisible oiseau. Mais faisons seulement
silence. Une voix monte, et comme un vent de mars
aux bois vieillis force leur porte, elle nous vient
sans larmes, souriant plutôt devant la mort.
Qui chantait là quand notre lampe s’est éteinte ?
Nul ne le sait. Mais seul peut entendre le cœur
qui ne cherche la possession ni la victoire.

Philippe Jaccottet

Extrait de L’Ignorant, © Gallimard, 1958