La puerta de la Luz

12 voix solistes
Poèmes de Federico Garcìa Lorca et Antonio Machado
(1994)
Durée : 17’
Création mondiale le 25 mai 1994 à Madrid par l’ensemble vocal Musicatreize sous la direction de Roland Hayrabédian.
Création française le 7 avril 1995 au Théâtre des Champs-Elysées à Paris par le même ensemble
Editions Billaudot
Enregistrement : CD MFA-Harmonia mundi – Musicatreize

« La luna vino a la fragua » (déb) :

« Cancioncilla del nino que no nacio » (extr) :

« Romance de la luna »

« Cancioncilla… »

« Sans bras, comment pousserais-je la porte de la Lumière ? », nous chante, dans le dernier des quatre poèmes de cette œuvre, celui qui n’eut pas la chance de naître. En quelques lignes, Federico Garcia Lorca ouvre un monde inconnu et fait entendre la voix de cet enfant retenu dans les limbes de cette mort dont on parle si peu : celle qui précède la vie.
Ainsi la « puerta de la Luz », cette porte qui ouvre sur l’existence ou se referme dans les ténèbres tient ici, avec le thème de l’enfance, la place centrale, même si elle n’est explicitement nommée que dans cette ultime Petite chanson de l’enfant qui n’est pas né.

Le cycle s’ouvre avec Romance de la luna, luna, toujours de Garcia Lorca : un enfant sur le point de mourir dialogue avec une lune froide et moqueuse qui finit par triompher du petit être et, le tenant par la main, l’entraîne avec elle dans le ciel.
Ce texte, extrait du Romancero gitano, déborde de couleurs, de mouvements, d’évocations sonores : ainsi la chevauchée haletante du cavalier figurée par une grande densification harmonique où les douze voix font résonner le choc des sabots dans la plaine (« tocando el tambor de llano »).

Les deuxième et troisième pièces sont écrites, quant à elles, sur deux poèmes d’Antonio Machado.
Una noche de verano nous présente la mort accomplissant sa tâche. Un homme observe la scène et ne voit que trop tard le fil brisé entre lui et sa petite fille. Cet homme pourrait être un père, mais c’est Machado lui-même qui, dans ce texte, pleure la perte de sa très jeune épouse. Un voile musical presque statique recouvre la scène, lentement scandé par un accord de tierce mineure dont le caractère doucement obsessionnel vient appuyer le calme désespoir de ce texte très sobre.

Era un niño que soñaba, parabole sur la fragile frontière entre le rêve et la réalité, est traité ici à la manière d’une comptine légère et enjouée, dont le passage central, vocalement très virtuose, n’est pas sans rappeler les injonctions plaintives de l’enfant menaçant la lune au début de l’œuvre.
Ce rappel dramatique déstabilise l’insouciante atmosphère de cette comptine et annonce une course ultime, haletante et inquiète, où surgit en filigrane cette question cruciale : de quel côté de la mort se trouve la réalité ? Où est la vraie lumière : au-delà ou en deçà de la porte ?

Patrick Burgan