Peter Pan ou la véritable histoire de Wendy Moira Angela Darling

Fantaisie lyrique sur un livret du compositeur d’après le conte de James-Matthew Barrie
(2004-2006)
Durée : env. 2h
Commande du Théâtre du Châtelet.
Création mai à juin 2006 au Théâtre Zingaro à Paris (Aubervilliers) avec Marie-Christine Barrault, Gaële Le Roi, Marc Barrard, François Piolino, Erik Freulon, Maîtrise de Paris, solistes du Choeur d’enfants Sotto voce, orchestre et choeurs du Châtelet
Direction musicale : Claire Gibault
Mise en scène, décors et costumes accessoirisés : Isabelle Partiot
Costumes: Christian Gasc                               Lumière : Pierre Dupouey
Editions Jobert

Album 2CD-DVD (Klarthe Records)Plus d’infosSite du LabelÉcoute CD

« Arrivée au Pays imaginaire » :

« La parade » :

« Je me souviens… » :

« Wendy raconte son histoire » :

« Mort de Clochette » :

Documentaire

Teaser DVD

Air du savoir-vivre (Capitaine Crochet)

Divers Extraits

Note du compositeur

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C’est à la lecture du conte de James Matthew Barrie, en découvrant la multiplicité des symboles cachés et les divers niveaux de lecture, que je décidai de l’adaptation lyrique de son « Peter Pan », assez mal connu en réalité puisque célèbre avant tout par le dessin animé de Walt Disney .

Les conditions idéales me furent offertes lorsque le Théâtre du Châtelet décida d’en assurer la production en incluant les chorales de collèges et lycées de l’académie de Paris aux côtés de musiciens professionnels (solistes, choeurs et orchestre), de danseurs, acrobates et artistes de cirque, le tout délocalisé vers le théâtre Zingaro pour renforcer encore la magie du projet.

La mise en abîme et le jeu sur l’éternel retour déjà fortement présents dans le conte, m’ont conduit à découper l’action en trois mondes simultanés, dans une optique très cinématographique (flash-backs, fondus, transitions instantanées dans le temps et l’action, etc.)

De plus, la juxtaposition des mondes réel et imaginaire permettait une mise en relief intéressante par le truchement de la voix parlée – la réalité – et de la voix chantée – le rêve.

Un rapport que j’avais déjà utilisé dans mon premier opéra : « La source des images ou Narcisse exaucé », mais que je pouvais ici pousser encore plus loin.

D’où la présence d’une actrice dans le rôle de Wendy aujourd’hui grand-mère, qui raconte son histoire avec toutes les déformations et contradictions dues peut-être moins à son âge qu’à sa mythomanie : sa vie chez ses parents, ses aventures extraordinaires, tout se matérialise sur la scène.

Peter Pan est bien plus qu’une histoire pour enfants: c’est une étonnante parabole sur l’existence et sur la mort.

Barrie a su, sans affectation ni sous-entendus trop clairs, élaborer un conte ouvert à tous les niveaux de compréhension, du plus naïf au plus exigeant.

Du paradoxe de l’enfance éternelle (seule la vie peut offrir le vieillissement) jusqu’aux batailles les plus spectaculaires, espérons que l’opéra saura lui aussi combler toutes les attentes.

Une lecture de Peter Pan, par Sylviane Falcinelli

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Ceux qui ont le privilège de fréquenter Patrick Burgan connaissent sa voix ensoleillée aux inflexions passionnées, son regard s’enflammant à la moindre étincelle d’enthousiasme, sa faculté d’émerveillement : c’est qu’un enfant jamais blasé a survécu au fond de son cœur. Toutefois, sa réflexion, son envergure culturelle et spirituelle l’entraînent vers des sphères élevées, et l’on retrouve bien des facettes de sa personnalité dans les diverses strates de lecture auxquelles se prête son Peter Pan. En effet, qu’il s’agisse de la mise en musique de poèmes (et ce, dans les cinq langues qu’il maîtrise parfaitement) ou de grands textes latins, cet amoureux de la littérature s’imprègne de ces écrits jusqu’à en livrer une véritable exégèse, qui structure de manière déterminante la complexité du discours musical. Son imaginaire a besoin de cette relation d’amour fusionnel avec la littérature, et son acuité nous force à relire des classiques dont on ne savait plus soupeser chaque mot. On se tromperait donc lourdement en pensant qu’il a cette fois illustré un célèbre conte pour enfants. Il a relu – conformément à son habitude – une histoire qui, comme tous les contes, véhicule bien des valeurs universelles : il y a trouvé des interrogations (parfois douloureuses) sur la manière dont nous grandissons en trahissant nos rêves d’enfant, sur le rapport à la mémoire, sur le merveilleux monde de l’imaginaire où tout artiste réside d’une manière ou d’une autre, sur le difficile passage du rêve au réel ; il a décelé dans le Peter Pan de James Matthew Barrie les retombées quasiment psychanalytiques d’un vécu douloureux (le deuil du frère de l’écrivain, décédé à l’âge de treize ans) et les a intégrées à sa recomposition du texte. Le spectacle peut émerveiller le jeune public ; le livret offre une narration dialoguée accessible à tous les âges ; la musique soulève quant à elle des dimensions insoupçonnées se raccordant à une métaphysique de l’enfance, de la naissance, de la mort, qui poursuit le compositeur depuis des années.

Nomenclature générale : personnages, orchestre.

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Personnages

Acteurs

Mamie Wendy (Wendy âgée) : rôle parlé

Lucie, sa petite fille (env.10 ans) : rôle parlé

Chanteurs solistes

Peter Pan, jeune garçon (env. 12 ans) : voix d’enfant

Wendy, jeune fille (env. 15 ans) : soprano

Mme Darling – Tin-Tam (la fée clochette) : soprano colorature

M Darling – Capitaine Crochet : baryton-basse

Nanita, domestique – Simoun, pirate : ténor léger

Guignard, garçon perdu (env. 12 ans) : voix d’enfant

Zigomo, garçon perdu (env. 12 ans) : voix d’enfant

Frisé, garçon perdu (env. 12 ans) : voix d’enfant

Flocon, garçon perdu (env. 12 ans) : voix d’enfant

Teigne, pirate – Chef indien : basse

Lys Tigré (fille du Chef, env. 16 ans) : mezzo-soprano

Chœurs

Pirates : chœur d’hommes

Sirènes : chœur de femmes

Guerriers peaux-rouges : chœur d’hommes

Femmes peaux-rouges : chœur de femmes

Enfants peaux-rouges : chœur d’enfants

Garçons (les enfants perdus) : chœur d’enfants

Fées : chœur d’enfants et/ou chœur de femmes

Fauves, serpents, loups, crocodile : chœur d’enfants

Orchestre

(2/2/2/2 – 2/2/2/1 – 3 perc./ Piano-Célesta-Clavier numérique/ Hpe/ Cordes)

Flûte

Piccolo

Hautbois

Cor anglais*

Clarinette sib*

Clarinette basse sib* (avec ré# grave)

Basson

Contre-basson

2 cors*

2 trompettes

2 trombones

Tuba

Perc. I : 2 timbales (Do1 à Si1; Do2 à Ré3), Triangle, Grelots, Gde cymbale sur pied, Gde cymbale à poser sur timb., Enclume, Métal chimes, Glockenspiel

Perc. II : Marimba, Glockenspiel à pédale, Cloches tub (Mib3 à Do#4), Triangle, Cymbales frappées, 2 cymbales (méd., grave), Cymb. cloutée, Tam-tam très grave, Claves, Tambour de basque, Guiro,

Planche à laver, 4 toms (aig., méd., grave, très grave), Grosse caisse

Perc. II : Vibraphone, Cloche tub (Mi3), Métal chimes, Cymbales frappées, 2 cymbales (aig., grave), 3 tam-tams (aig., méd., grave), 2 wood-blocks, 2 temple blocks, Fouet, 2 maracas, Caisse claire,

2 toms (méd., très grave), 2 bongos, Grosse caisse, Tambour à corde, Eoliphone

Piano – Célesta – Clavier numérique

Harpe

Violons I

Violons II

Altos

Violoncelles

Contrebasses (5 cordes)

Structure scénique et rapport « parlé-chanté »

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Structure scénique

3 mondes cohabitent sur la scène et sont « activés » par les éclairages ; leurs interventions sont parfois simultanées, le plus souvent successives.

1° monde : Wendy âgée raconte ses aventures à Lucie, sa petite fille (durée globale : env. 11 mn).

2° monde : la chambre de Wendy jeune; une porte, au fond, donnant sur la chambre des parents (durée globale : env. 21 mn).

3° monde : le pays imaginaire occupe la plus grande partie de la scène ; c’est là que sont les chœurs (enfants perdus, pirates, indiens, bêtes sauvages, sirènes, fées…) ; c’est là que se tient la plus grande partie de l’action (durée globale : env. 90 mn).

Le 1° monde est l’axe central : Wendy raconte son histoire ; elle est donc la narratrice de ce conte.

Les 2° et 3° mondes sont l’illustration de son propos ; les images vivantes de son souvenir.

Rapport parlé-chanté

De manière générale, le parlé est réservé à l’action réelle ; le chanté à l’action imaginaire.

Ainsi le 1° monde est entièrement parlé (chant et orchestre peuvent intervenir lors de transitions, lorsque la narration s’incarne sur la scène).

Dans le 2° monde, les voix sont parlées mais l’orchestre est omniprésent. Le chant intervient parfois, lorsque le monde imaginaire est présent ou simplement évoqué.

Le 3° monde est entièrement chanté (solistes, ensembles, chœurs) ; l’action est clairement explicitée par les nombreuses interventions de la narratrice Mamie Wendy (1° monde).

Résumé du livret

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Peter Pan

ou la véritable histoire de Wendy Moira Angela Darling

Résumé

2° monde : (la chambre de Wendy ; un lit, une harpe, une fenêtre à droite, une porte au fond à gauche).

On entend une dispute violente entre les époux Darling derrière la scène.

Wendy (14 ans) est assise sur le lit ; elle s’allonge et se bouche les oreilles. La dispute se calme ; la jeune fille prend alors une sorte de tissu noir caché sous son oreiller (l’ombre de Peter Pan) et se met à le raccommoder. A nouveau, claquement de porte, éclats de voix ; puis Mme Darling entre dans la chambre. Wendy cache l’ombre. La mère se confie à sa fille : rien n’est plus comme avant ; évocation du frère mort il y a quelques années ; il aurait 13 ans aujourd’hui. « Comme Peter ! » dit Wendy. « Qui est Peter ? ». Mme Darling se souvient vaguement mais reste incrédule. Pour preuve, Wendy sort l’ombre que Peter a coincée dans la fenêtre à sa dernière visite et que Wendy doit réparer avant de la recoudre sur lui.

1° monde : Wendy, âgée maintenant, est assise au côté de sa petite fille Lucie.

« C’est comme cela que j’ai parlé de Peter pour la première fois, etc.

On comprend que tout ce que l’on vient de voir est le récit des souvenirs de Wendy.

« Tu sais, j’ai bien failli perdre son ombre à jamais »…

2° monde : M. Darling, très irrité, entre violemment et dispute les deux rêveuses ; il confisque l’ombre qu’il ordonne à Nanita (la domestique) de brûler sur-le-champ. Mme Darling réalise qu’elle est en retard et sort prestement. Wendy restée seule se met à pleurer doucement puis va à sa harpe et commence à jouer. On entend alors la voix de Peter Pan et de Tin-Tam (la fée clochette) derrière la scène (ils resteront invisibles). Une lumière étrange commence à baigner la chambre. Peter appelle Wendy et lui explique que son ombre, qui a réussi à s’échapper, est repartie, affolée, vers le pays imaginaire. Il ne pourra pas survivre longtemps sans elle, et Wendy est la seule à pouvoir lui recoudre. Pour finir de la persuader, il lui parle des merveilles qui l’attendent là-bas. La lumière est de plus en plus intense. La fenêtre est violemment ouverte sous l’impulsion des étoiles. Wendy reçoit la poussière de fée… C’est à ce moment que Nanita entre et ressort aussitôt prévenir les parents. Trop tard ! Lorsque ceux-ci font irruption, Wendy s’élève et s’envole par la fenêtre.

1° monde : Wendy raconte les détails pittoresques de son voyage vers le pays imaginaire.

Arrivée en vue de l’île, elle s’aperçoit que cette dernière était comme endormie et reprend vie à l’approche de Peter. Elle observe d’en haut une étrange procession qui lentement se remet en route : les enfants perdus cherchent Peter ; ils sont pourchassés par les Pirates ; eux-mêmes pourchassés par les Indiens ; ces derniers encore traqués par les bêtes sauvages (fauves, loups, serpents, et un énorme crocodile). Tout le monde tourne ainsi tout autour de l’île jusqu’à ce que l’un d’eux se retourne ou change d’allure…

3° monde : Ronde des « poursuivants poursuivis » : choeurs successifs des enfants perdus, des Pirates, des Indiens, des bêtes sauvages ; de nouveau enfants, pirates, indiens, bêtes, enfants etc. et cela de plus en plus vite, comme un manège qui accélère… jusqu’à ce que les loups se retournent face aux garçons. Ces derniers les font fuir en marchant vers eux, la tête entre les jambes.

Ce faisant, ils sont sortis de la ronde et se retrouvent à proximité de leur repaire, une maison souterraine. Tin-Tam survient alors et leur transmet (soi-disant) un ordre de Peter : tuer l’oiseau Wendy. Les enfants traduisent avec peine son langage de fée (de virtuoses vocalises) et tirent avec leurs arcs. Wendy s’écrase sur la scène, une flèche dans la poitrine.

Stupeur : « Ce n’est pas un oiseau, c’est une dame ! »

Arrivée de Peter. Les enfants cachent Wendy. Celui-ci, surpris de leur froideur, leur annonce qu’il leur amène une maman. Ils s’écartent. Tristesse puis colère de Peter. Les enfants se défendent en dénonçant la trahison de la jalouse Tin-Tam qui ricane toujours. Peter la bannit pour toujours ; elle pleure. Soudain un des garçons constate que le bras de Wendy a bougé. Peter veut arracher la flèche ; celle-ci est plantée dans un gland qui était pendu au coup de la jeune fille : « C’est mon baiser qui l’a sauvée »

1° monde : Lucie ne comprend pas. Mamie Wendy lui explique : lors d’une de ses visites dans sa chambre, elle avait donné à Peter un dé à coudre pour ne pas le froisser car il ne savait pas ce qu’était un baiser ; en échange, lui-même lui avait donné cette sorte de gland qu’elle lui avait promis de toujours garder autour du cou.

« La chute m’avait étourdie ; j’étais trop faible pour bouger »

3° monde : « Elle est trop faible pour bouger » dit un des garçons. Ils décident alors de construire une cabane autour d’elle. Pendant la construction, un des enfants, désigné comme médecin par Peter, fait semblant de soigner la blessée.

La cabane une fois terminée, celle-ci accepte d’être leur mère à tous et les fait entrer. Peter reste à l’extérieur pour monter la garde. Wendy, attristée par les gémissements de Tin-Tam, demande un adoucissement de la punition. Peter lui parle des fées, de leur origine, de leurs habitudes… La nuit tombe peu à peu et Peter s’endort au son des chœurs des fées qu’on entend dans le lointain. Les chœurs s’approchent et traversent la scène en pinçant au passage le nez du petit endormi.

1° monde : Lucie s’inquiète du sort de l’ombre. Mamie Wendy est gênée, comme prise en défaut (a-t-elle oublié, menti ?) et trouve une explication rapide. La petite fille n’est pas dupe et assaille sa grand-mère de questions auxquelles celle-ci répond avec un enthousiasme croissant en racontant le début de multiples aventures. Lucie l’interrompt en réclamant sa préférée : le lagon des sirènes…

Le 3° monde s’éclaire peu à peu mais le couple Mamie Wendy – Lucie (1° monde) est toujours là et commente ce que l’on voit : des sirènes jouant dans l’eau avec des bulles de lumières cueillies dans les arcs-en-ciel. Les garçons font la sieste sur le rocher. C’est l’après-midi.

Soudain la nuit tombe et la lune se lève comme par enchantement Deux Pirates arrivent en canot (Le 1° monde disparaît doucement). Wendy et les enfants plongent, libérant le rocher sur lequel Simoun et Teigne débarquent Lys tigré, la princesse indienne ; ils l’attachent et se réjouissent de sa mort prochaine lorsque la marée aura tout recouvert.

Peter imite alors à la perfection la voix de Crochet (on le voit articuler les paroles mais c’est l’enregistrement échantillonné du baryton-basse que l’on entend) ordonnant la libération de l’Indienne. Les Pirates éberlués s’exécutent, et celle-ci disparaît dans les flots comme une anguille. Peter, fier de lui, va reprendre son imitation quand Wendy lui met la main sur la bouche… on entend quand même la voix de Crochet. Surprise ! C’est que le vrai Crochet arrive à la nage et se hisse sur le récif. Il est mélancolique. Lorsqu’il s’enquiert de Lys tigré et apprend ce qui s’est passé, il appelle « l’Esprit du lagon ». Peter lui répond en l’imitant mais se prend au jeu, retrouve sa voix et est découvert. Bagarre violente entre Garçons et Pirates. Peter affronte Crochet qui le prend par traîtrise et le blesse sévèrement. Ce dernier va l’achever quand survient le crocodile avec son tic-tac bien reconnaissable. Crochet terrorisé s’enfuit à la nage.

Tout redevient calme ; un nuage cache la lune, laissant la scène dans une quasi-obscurité ; les Pirates se sont enfuis laissant leur canot que les garçons blessés, pensant que Peter et Wendy sont partis en volant, utilisent pour rejoindre la rive. La lune réapparaît ; Wendy épuisée s’agrippe au rocher, mais est tirée et noyée par des sirènes aux chants lancinants et plaintifs. Celles-ci reviennent (le rocher est maintenant presque submergé), elles poussent sur l’eau le nid d’un grand oiseau en train de couver ses œufs (ce dernier s’envole pour laisser la place), prennent Peter évanoui, l’installent dans le nid qu’elles guident vers le rivage, surveillées en cela par l’oiseau qui vole au-dessus d’elles.

1° monde : Lucie s’étonne que Wendy ne soit pas morte noyée.

Les Indiens, avertis par Lys Tigré, étaient arrivés juste à temps pour la remonter du fond du lagon ; elle s’était réveillée, ainsi que Peter, au milieu des Peaux-rouges. Celui-ci se remettait déjà fort bien de ses blessures et pérorait comme à son habitude pendant la fête qui célébrait la paix entre garçons et Indiens.

3° monde : (un grand feu autour duquel les Indiens et les Garçons dansent et chantent ; on voit dans un coin la cabane qui avait été construite autour de Wendy ; au-dessous, ou sur un côté, la maison souterraine, bien dissimulée mais à la structure intérieure parfaitement visible du public : une grande table, un grand lit, une harpe de fortune, etc.). La scène commence à l’extérieur. Le chef indien baptise Peter « Grand oiseau blanc ». Lys Tigré entreprend de séduire Peter, au grand désarroi de Wendy et Tin-Tam . Wendy, exaspérée, prétexte qu’il est tard et que tous « ses » enfants doivent manger un morceau et se coucher en vitesse. Peter court chercher des noisettes et s’enquérir de l’heure exacte auprès du crocodile. Wendy et les garçons descendent dans la maison, pendant que les Peaux-rouges éteignent le feu et s’installent pour monter la garde. On les voit qui vont s’endormir peu à peu, mais toute l’attention est maintenant focalisée sur l’intérieur de la maison souterraine.

Les enfants font semblant de manger autour de la table, dans un vacarme que leur « maman » a bien de la peine à contenir ; ils se battent, rapportent, etc.

Lorsque Peter arrive, il joue avec Wendy le rôle des parents. Quand les enfants sont dans le lit, Wendy leur chante sa propre histoire en s’accompagnant de la harpe que ses « fils » lui ont construite. Elle évoque son retour heureux parmi des parents impatients de la revoir. Peter la refroidit en lui racontant sa propre expérience : lui aussi était parti s’amuser au pays imaginaire ; mais, à son retour, la fenêtre était fermée, et sa mère bordait un autre petit garçon dans son lit ; les mères sont ingrates, elles oublient. Wendy prend peur et décide de partir immédiatement. Les garçons la persuadent de les emmener. Pendant que tous préparent leurs sacs, Peter sort discrètement.

2° monde : M. Darling, allongé par terre dans le fond, travaille à une maquette de galion espagnol. Nanita lui passe les ustensiles sur un plateau. Mme. Darling dort, assise devant la fenêtre grande ouverte. Elle se réveille en sursaut et dit avoir rêvé que sa chère fille était revenue. Les époux se disputent à propos de la disparition de leur fille. M. Darling sort avec son galion, suivi de la domestique et de son plateau.

Mme. Darling se lève pour embrasser la harpe, puis s’assied et commence à jouer (elle est sur le devant et ne verra rien de ce qui va se passer). Peter se pose sur le seuil de la fenêtre, l’écoute et la regarde avec ravissement. Il semble hésiter… mais se ressaisit, saute dans la pièce, ferme la fenêtre de l’intérieur et disparaît par la porte du fond. On le voit presque aussitôt retraverser le ciel en volant.

Survient alors un halo de lumière du côté de la fenêtre (la musique nous fait clairement comprendre qu’il s’agit de Tin-Tam qu’on ne verra que sous cette forme lumineuse). La lumière se fait de plus en plus éblouissante, toutes les étoiles semblent avoir quitté le ciel pour souffler les battants de la fenêtre; celle-ci s’ouvre violemment ; Mme Darling sursaute et regarde, effarée. Noir !

3° monde : Tout le monde dort dans la maison souterraine, sauf Wendy qui reprise des chaussettes. Dans une fréquence régulière (marquée par une inflexion musicale) les garçons se retournent tous en même temps dans le lit. Peter arrive sur la pointe des pieds et s’étonne que Wendy soit encore là : elle tenait à ce que « ses enfants » dorment un peu avant le grand voyage.

Un bruit terrible leur parvient soudain ; les garçons sont réveillés en sursaut : c’est une bataille que se livrent au-dessus de leurs têtes Indiens et Pirates. Ceux-ci sont décimés, Crochet est tué…

1° monde : « Crochet tué ? » s’extasie Lucie. Wendy confirme avec frénésie, puis se reprend. Elle s’est trompée : ce sont les Pirates qui ont décimés les Indiens en les attaquant par surprise. Lucie met en doute les dires de sa grand-mère qui se fâche alors et demande comment elle aurait bien pu inventer tout ça ! Il y a si longtemps, ses souvenirs se mélangent. Crochet avait usé d’une ruse …

3° monde : tout est resté figé comme un arrêt sur image, pendant l’interpolation du 1° monde ; Crochet se relève et la bataille tourne à l’avantage des Pirates; c’est un carnage. Le silence revient après cette écrasante victoire, et on voit les enfants tendre l’oreille dans la maison souterraine. Crochet fait signe à Simoun de jouer du tam-tam ; la réaction dans la maison est immédiate et unanime : « Hourra ! Victoire indienne ! ». Les garçons prennent leur baluchons et sortent avec Wendy. Ils sont aussitôt capturés sans bruit, entassés dans la petite cabane, et ainsi transportés hors de la scène par les Pirates. Peter ne se doute de rien et s’endort en pleurant sur le lit. Crochet, resté seul, descend par un des conduits secrets dans la maison. Il ne peut pas s’extraire à l’arrivée et ne peut qu’observer avec rage Peter endormi. Une tasse de médicament est à portée de sa main ; il y vide le contenu du chaton d’une de ses bagues et remonte en grimaçant de plaisir.

Tin-Tam survient en trombe ; elle réveille Peter et lui raconte la capture. Avant de courir sauver Wendy, il veut faire quelque chose pour lui plaire : boire son médicament bien-sûr. Tin-Tam affolée lui dit qu’elle a entendu Crochet se vanter d’en avoir empoisonné le contenu. Peter n’en croit rien et la petite fée a juste le temps de se glisser entre la tasse et les lèvres du garçon pour tout boire à sa place Elle chancelle et s’effondre…elle se meurt. Peter se lamente puis réfléchit : les fées sont nées des éclats de rire des bébés ; donc si tout le monde se met à rire, elle pourrait renaître. Il exhorte le public à partir avec lui de grands éclats de rire. En vain ! Tin-Tam, d’une voix mourante, lui chuchote quelque chose : il faut, pour l’empêcher de mourir, que tous ceux qui rêvent au pays imaginaire, affirment croire aux fées. Peter entraîne alors le public à chanter cette profession de foi, suivi en cela par les solistes, les chœurs, et même Lucie et Mamie Wendy; l’orchestre, discret au début, finit par tout couvrir au fur et à mesure que la fée revit.

Peter s’envole avec Tin-Tam au secours de Wendy.

1° monde : Lucie impatiente, interrompt Mamie Wendy qui, quoique fatiguée, la prie de la laisser continuer.

3° monde : sur leur bateau, les Pirates complètement ivres, chantent et dansent. Crochet les admoneste durement. Resté seul, il confie son obsession : le bon ton, l’art du savoir-vivre. Simoun s’inquiète de sa mélancolie, mais le capitaine se ressaisit et demande à voir les prisonniers. Il cherche à les corrompre et à les enrôler mais Wendy, on ne peut plus méprisante à cause de l’état de saleté du navire, engage les garçons à rester du bon côté. Quand Crochet s’apprête à faire passer les enfants sur la planche, le tic-tac du crocodile se fait entendre. Terrorisé, il part à l’autre bout du bateau et demande à ses hommes de le cacher. Les garçons guettent en direction du bruit et voient Peter monter à bord avec un énorme réveil. Averti par Tin-Tam, il assomme d’un coup de réveil un pirate qui fonçait sur lui, avant de tout précipiter par dessus bord. Le tic-tac cesse. Peter fonce dans la cabine. C’est là qu’il tuera les pirates que Crochet envoie chercher le fouet, avant de déclencher une gigantesque bataille à laquelle participent même Wendy et Tin-Tam.

Les garçons sont largement vainqueurs ; reste l’ultime combat entre Peter et Crochet. Celui-ci, acculé sur la planche, demande à Peter de le pousser du pied ; ce dernier s’exécute : « Choquant ! Quel manque de savoir-vivre ! » exulte Crochet en tombant dans la gueule du crocodile qui, en passant, avale aussi le réveil que Peter lui avait emprunté et se remet à faire tic-tac.

Wendy félicite tout le monde pour cette victoire, mais déchante vite lorsqu’elle entend Peter ordonner aux garçons de jeter tous les corps à la mer et de s’habiller eux-mêmes en pirates. Il réclame « ses » effets : on lui porte chapeau, veste et porte-cigares du capitaine. Wendy est abasourdie lorsqu’elle le voit se camper devant elle avec superbe, prendre un air inquiétant et recroqueviller son index droit en forme de crochet. Quand enfin tous les garçons entonnent les chœurs bachiques des pirates, elle réalise qu’ils ne la voient plus, et court vers la cabine en se bouchant les oreilles.

2° monde : (la transition orchestrale permet de passer progressivement à la situation sonore de la première scène de l’opéra) Wendy est allongée, comme au début, les mains sur les oreilles. On entend la dispute des parents dans le fond. Un bruit violent la réveille ; elle s’assied sur le lit, rêveuse, un peu triste.

1° monde : « Et voilà ! J’avais vécu les plus beaux moments de ma vie et ce n’était qu’un rêve » dit Mamie Wendy.

Protestation de Lucie : « Non ! moi je sais que ce n’était pas un rêve ».

Sous les yeux de Mamie Wendy interloquée, Lucie va au fond de la pièce et sort, cachée derrière un meuble, l’ombre de Peter Pan. La grand-mère, très émue, prend cette ombre et l’embrasse.

La lumière se fait de plus en plus intense, et envahit espaces scénique et public tout au long d’un grand crescendo orchestral pendant que Lucie recule et disparaît.. Au point culminant, la musique s’arrête net quand Mamie Wendy dit : « Peter ! »

Noir complet! Fin.

Photos de la production de 2006

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PETER PAN ou la véritable histoire de Wendy Moira Angela Darling

Production du Théâtre du Châtelet – Mai, juin 2006

(photos Isabelle Partiot)

Arrivée au Neverland : apparition de l’île « Elle semblait se réveiller… » (scène 4b)

15

La parade (léopard, loups, crocodile) : (scène 5a)

20 21 22

Les enfants perdus : « Ils vont nous dévorer » (scène 5a)

29

L’arrivée de la fée Tin-Tam : « Ecoutez ses clochettes ! » (scène 5b)

31

« Tin-Tam ! Tin-Tam !«  (scène 5b)

33

« Le voilà, l’oiseau Wendy ! Tuons-le ! » (scène 5b)

34

Peter Pan : « Qui a tiré ?«  (scène 5c)

37

Le lagon des sirènes (scène 8b)

44

Les enfants perdus, Wendy, Peter : « Les pirates ! Vite, plongez !«  (scène 9a)

43

Les sirènes mettent Peter blessé dans le nid de l’oiseau de Nulle-part : (scène 9c)

52

Les indiens, Lys Tigré : « Okanaga !«  (scène 11a)

63

Les enfants perdus, Wendy, Peter, les indiens endormis ainsi que Madame Darling endormie dans le 2ème monde (scène 11c)

67

« Maman, tu nous dis notre histoire ?« 

Monsieur Darling, Nanita, Madame Darling : « Oh ! Je rêvais que ma petite fille était de retour » (scène 12a)

74

Lucie, Crochet, Mamie Wendy : « Une lance en plein coeur ! » (scène 14)

70

Les enfants perdus, Wendy, Peter dans la maison souterraine, guettés par les pirates (scène 15a)

« On n’entend plus rien »

77

La mort de Tin-Tam (scène 15c)

81

La voilure du vaisseau pirate, le « Jolly Roger »
85

Crochet : « Le savoir-vivre … » (scène 17c)

89

Combat final : « Pourquoi me tuer ? » (scène 17e)

93

Mamie Wendy et l’ombre blanche : « Peter ! » (scène 19b)

101

Interview du compositeur par Rémy Louis

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Les trois mondes de Peter Pan

Après le théâtre et le célèbre dessin animé, l’histoire de James Matthew Barie est aujourd’hui devenue une œuvre lyrique grâce au compositeur Patrick Burgan. Commande du Théâtre du Châtelet, Peter Pan, interprété par des chanteurs enfants et adultes, sera créé en mai au Théâtre Zingaro sous la direction de Claire Gibault.

Chacun croit connaître l’histoire de Peter Pan. Pourtant, vous avez donné à votre fantaisie lyrique un sous-titre : « … ou la véritable histoire de Wendy Moira Angela Darling ». Pourquoi cela ? À mes yeux, le sous-titre enrichit la carte d’identité de l’œuvre. En l’occurrence, il dévoile une autre dimension de Peter Pan, plus énigmatique, présente dans le conte originel de James Matthew Barrie. J’ai aussi voulu en accentuer l’aspect « éternel retour » en organisant l’action comme un flash-back permanent.

Votre livret développe trois « mondes » simultanés et interactifs. À quoi correspondent-ils, et quelle est leur fonction ? Le premier correspond à la réalité du moment : devenue grand-mère, Wendy raconte sa vie à sa petite-fille Lucie. Le deuxième matérialise son enfance, les souvenirs (non sans déformations) de ses souffrances lors des disputes de ses parents, M. et Mme Darling. Le troisième est bien sûr cet ailleurs où Peter Pan l’a entraînée. Le spectateur est donc amené à effectuer de fréquents allers-retours entre ces mondes, de manière quasi cinématographique. Mon choix de centrer l’opéra sur Wendy, en renonçant par exemple aux personnages secondaires des frères, ne résulte qu’en partie des contingences scéniques, qui obligent à réduire certains éléments et à en amplifier d’autres. De même, ce ne sont pas des raisons d’économie qui ont conduit Barrie à demander que Crochet et le père de Wendy soient incarnés par le même acteur.

… ce qui a été le cas à la création en 1904 à Londres, mais aussi dans les deux célèbres plays de Broadway de 1950 et 1954, où Boris Karloff et Cyril Ritchard assumaient chacun les deux personnages. Oui, et j’ai même développé cette idée en faisant incarner la fée Clochette et la mère de Wendy par la même personne. Ainsi, dans le troisième monde, Wendy retrouve ses deux parents… et son frère décédé, qui n’est autre que Peter Pan. C’est la part fortement autobiographique du conte. Le frère aîné de Barrie est mort à treize ans – l’âge de Peter – quand lui-même en avait sept. L’aîné était le préféré de sa mère, et sa mort l’a rendue à moitié folle. Barrie aurait voulu être aimé par elle de la même façon. Mais il a compris qu’il ne pourrait jamais lutter avec ce « rival » éternellement jeune, qui ne grandirait plus. L’opéra donne ces clés petit à petit, en révélant que Wendy avait un frère. La petite fille quitte le deuxième monde quand Peter Pan vient la chercher ; plusieurs lectures sont possibles, car Peter l’appelle un peu comme le clair de lune séducteur et maléfique vous attire et vous perd. J’ai organisé ces éléments pour qu’ils puissent être compris au premier degré par de jeunes enfants, tandis que des spectateurs plus âgés les apprécieront à un autre niveau.

L’adaptation merveilleuse, à tous les sens du terme, de Walt Disney a donc simplifié le personnage, et ôté au conte des soubassements importants ? Cette adaptation a gommé une dimension surréaliste très « début de siècle », une part de non sense typiquement britannique, et aussi un certain impact physique de la frayeur. Peter Pan est devenu un gavroche malicieux et adorable, alors que celui de Barrie est dérangeant, égocentrique, dangereux, allant jusqu’à supprimer les enfants perdus qui prennent la liberté de grandir : il est difficile de s’identifier à lui ! Cette simplification s’imposait à Disney pour qu’il puisse recréer son propre univers. Pour ma part, j’ai réintroduit l’inquiétude, et un véritable sentiment de crainte quand, à la fin, Peter Pan et les enfants perdus deviennent les pirates. Wendy crie, elle court en se bouchant les oreilles… et, par un effet de fondu enchaîné, se retrouve dans sa chambre, avec ses parents qui se disputent à côté. C’est un exemple de ces allers-retours qui installent une ambiguïté entre rêve et réalité.

Est-ce pour vous une manière de terminer, en un sens, ce que Barrie n’avait peut-être que suggéré ? Certainement. Dans l’opéra, Peter déploie une énergie enivrante. La transformation de la fin suggère que la beauté et la jeunesse ne sont pas seulement ce que l’on croit. En tuant Crochet et en reprenant ses attributs les plus voyants, il tue son père, et en même temps prend sa place.

Les trois niveaux s’imbriquent donc sans cesse. Comment parvenir à les différencier, alors que la scène induit par elle-même unité de temps et de lieu ? Sur scène, quand un personnage parle, il le fait comme vous et moi. Quand il chante, il est ailleurs, et vous avec. Ainsi, dans l’opéra, la réalité parle, et le rêve chante. Le monde de Wendy âgée et de Lucie est exclusivement parlé, sans musique – ce sera Marie-Christine Barrault qui incarnera cette Wendy. La musique ne se glisse sous leurs voix que pour annoncer le passage à un autre monde. Le deuxième, qui évoque ce qui est inscrit dans le souvenir de Wendy grand-mère, recourt à la technique du mélodrame : les voix sont parlées, mais avec une musique qui demeure présente et les enserre dans les portées. Ces rôles seront tenus par les chanteurs, qui seront aussi présents dans le troisième monde, où ils interviendront alors exclusivement en voix chantées. J’ai tenu à auditionner les acteurs-chanteurs des deuxième et troisième mondes. Car il n’est pas toujours facile, pour un chanteur, de déplacer sa voix – littéralement parlant.

Ce dispositif impose une très grande précision dans le réglage des passages d’un monde à l’autre. Avez-vous composé quelques interludes orchestraux pour les faciliter ? Quand ils existent, ils sont brefs. Une scène peut s’interrompre brutalement. Crochet est tué dans la bataille entre les indiens et les pirates Tout se fige, exactement comme un arrêt sur image. Dans un coin, Lucie s’écrie : « Crochet a été tué !? » Wendy âgée confirme, puis se ravise, ce qui fait douter Lucie. La musique revient alors en arrière, en contrepoint inversé…. Quand j’ai évoqué le projet avec la metteur en scène Isabelle Partiot, je ne lui ai pas caché mes idées assez extravagantes. Valait-il mieux y renoncer tout de suite ? Elle m’a répondu qu’elle se chargerait de trouver les solutions. Mais certains moments, évidents au cinéma, seront plus délicats à réaliser sur scène.

La Wendy âgée et la Lucie du premier monde restent toujours sur scène, je suppose ? Et – pardonnez cette résurgence disneyenne immédiate ! , est-ce que Peter Pan vole ? Le premier point relève du choix du metteur en scène, même si je pense que les deux personnages ne doivent en effet jamais s’absenter, quitte à être parfois masqués. Pour le vol… je ne sais pas encore comment Isabelle fera ! (l’entretien a eu lieu en février, Ndlr). Des acrobates de l’École du cirque ont été engagés pour les nombreuses scènes de batailles du troisième monde qui, pour être réalistes et spectaculaires, doivent bouger dans tous les sens. Mais pour éviter l’impression d’un fouillis, Isabelle a choisi de représenter chaque entité – enfants perdus, pirates, indiens… – par des groupes de quatre à cinq personnes. Les chœurs, de trois fois deux cent trente enfants en alternance, n’interviennent que dans le troisième monde, et resteront sur des gradins. Même le célèbre crocodile est, musicalement, incarné par un chœur. Isabelle a eu l’idée magnifique de faire un décor humain. La maison souterraine, les arbres… seront matérialisés par les acrobates. Le plus difficile à gérer sera la multiplicité des changements à vue, mais en même temps, toutes ces contraintes sont stimulantes.

La présence d’un important chœur d’enfants est évidemment une donnée de base de tout le projet ? Absolument. Il fait suite à mes Chants de Thémis, écrits en 2000 pour Toni Ramon et la Maîtrise de Radio France, les chorales des lycées et collèges de l’Académie de Paris, et l’ensemble Percussions-claviers de Lyon. Un projet initié par Jeanine Delahaye, inspectrice de la musique à l’Académie de Paris, qui souhaitait confronter des professionnels à de véritables amateurs. Ce succès a rencontré mon lointain désir d’écrire un opéra autour du personnage de Barrie. L’idée a plu à Jean-Pierre Brossmann, et son engagement a permis de réunir les moyens considérables qu’exige l’opéra.

À propos de moyens, quelle formation orchestrale avez-vous retenu ? L’opéra durant un peu plus de deux heures, j’avais besoin de couleurs bien différenciées. L’action, le spectacle doivent captiver, rebondir, tout en restant compréhensibles. À la formation Mozart usuelle, j’ai ajouté harpe, piano, célesta, plus trombones et tuba, ces derniers créant du volume pour l’arrivée de Crochet. L’orchestre comporte quarante musiciens, sans trop de cordes, car le Théâtre Zingaro a ses propres exigences de lieu. L’orchestre occupera environ le tiers de la scène. Qu’il ne couvre pas les chanteurs est mon problème de compositeur, pas celui de l’effectif ! La musique constitue un personnage situé à l’intérieur de l’action, comme dans les opéras de Wagner.

Mais comment concilier une certaine simplicité de l’écriture, en partie conçue pour des amateurs, avec la complexité scénique des événements ? Écrire « simple » est un très bon exercice, parce que c’est toujours difficile ! Je ne voulais pas faire de concessions à mon langage musical, c’est-à-dire que la simplicité se voie ou s’entende trop. La complexité apparente de la musique n’en est pas une, pratiquement, pour les chanteurs. Le compositeur doit toujours veiller à simplifier la vie de l’interprète, qui a ses propres difficultés à résoudre. Si je me suis « lâché » pour les personnages de Peter Pan et de Wendy enfant, chantés par des solistes de l’ensemble Sotto Voce, j’ai dû rester très vigilant pour l’émission vocale, les tessitures, et la complexité rythmique de l’écriture pour les chœurs.

Quelles sont les tessitures des chanteurs, qui mêlent adultes et enfants ? Soprano colorature pour la mère de Wendy / la fée Clochette, baryton-basse pour le père / Crochet, ténor léger pour la servante Nanita / Simoun, basse pour le chef indien. Ce sont les seuls chanteurs adultes de la distribution. S’y ajoutent sept rôles solistes chantés par des enfants (dont ceux, très exigeants, de Wendy et Peter Pan), celui de Lys tigré et ceux de quatre enfants perdus auxquels j’ai donné un profil caractérisé, en usant de ressorts comiques. Par exemple, le fanfaron de la bande, celui qui sait tout, est aussi le plus petit… Et bien sûr, en définitive, il ne sait rien !

Tel que vous le décrivez, il a un petit côté Joe Dalton ! (Il rit.) C’est presque ça, en moins capricieux et obsessionnel, tout de même ! Remarquez, l’un des trois autres n’est pas loin d’évoquer Averell. J’ai cherché à recréer ces basculements où l’on glisse dans la satire, en renforçant à la fois le sentiment d’inquiétude et le sentiment comique, comme dans le cinéma italien d’un Dino Risi.

Cette caractérisation induit-elle des thèmes musicaux spécifiques, ou une évolution permanente liée à l’action scénique ? Les deux en même temps ! L’appartenance conditionne les thèmes : la mère / la fée Clochette, le père / Crochet, etc. Les scènes de batailles sont entièrement régies par les thèmes et les carrures musicales. Une cellule rythmique, « Pe – ter Pann » – une brève, une longue, une plus longue encore –, parcourt l’opéra et en articule la forme. Pour composer, je choisis et peaufine mes thèmes, avant d’en tirer le canevas définitif. Je n’ai commencé à écrire que lorsque j’ai senti que les thèmes étaient sûrs, suffisamment solides pour en déduire tout le développement orchestral.

Une question pour conclure : pensez-vous appartenir à une école esthétique particulière : post-sérielle, néotonale ou autre ? Je suis dans l’Empire du Milieu ! Un compositeur dispose de tous les moyens que le passé, même très récent, lui a donnés. J’espère évidemment avoir un style musical reconnaissable. Mais c’est le geste musical qui fonde l’originalité et la personnalité : que vous utilisiez la série dodécaphonique – un outil utile pour gérer le mode chromatique sur le plan thématique et contrapuntique – ou un mode pentaphonique, c’est l’ambiance et la couleur musicale recherchées qui priment. L’unité stylistique sera présente, au-delà des techniques utilisées, parce que le geste reste le même.

Propos recueillis par Rémy Louis

Février 2006

Note d’Isabelle Partiot-Pieri (Mise en scène, décors, costumes accessoirisés des acrobates)

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Peter Pan dans le cercle magique du cirque. Bien plus qu’une histoire pour enfants, « Peter Pan » est une étonnante parabole sur l’existence et sur la mort, selon Patrick Burgan. Du quotidien douloureux au foisonnement du monde imaginaire, Isabelle Partiot met en scène ce voyage poétique entre rêve et réalité.

Le premier monde dans lequel se situe « Peter Pan » est celui d’aujourd’hui. En racontant sa vie à sa petite-fille Lucie, Wendy s’adresse, à travers elle, à l’ensemble des spectateurs. Elle évoluera donc au milieu du public, dans un rond de lumière, habillée comme de nos jours. Lucie l’écoute et pose des questions auxquelles sa grand-mère répond tout en amenant le public des gradins vers la scène (en)chantée.

L’entrée dans le deuxième monde nous plonge quelques années en arrière, à Londres. L’orchestre s’infiltre progressivement entre les dialogues, pour suggérer la réminiscence d’un l’univers triste et étriqué : celui des années 50. Durant ces années maudites et malheureuses, Wendy, enfant, tente d’échapper à la pesanteur de l’atmosphère familiale et s’envole, retrouvant alors Peter Pan, la métaphore du frère mort, jeune pour l’éternité.

Nous glissons alors dans le troisième monde, fait de couleurs et de musique : le monde rêvé. Le père de Wendy devient l’inquiétant Crochet, sa mère la jalouse Tin-Tam, tandis que la gouvernante se transforme en pirate ambigu aux ordres du noir Capitaine. Grinçantes images travesties de ses proches, ces figures, étrangement familières et déformées comme dans un cauchemar, harcèlent Wendy. Après s’être retrouvée au sein des enfants perdus, elle est devenue leur mère à tous et la compagne de Peter, à la fois protectrice et complice de ses bizarreries. Peter, lui, n’est qu’imagination, imprévisibilité, fluidité, inconstance. Il a l’apparente incohérence des rêves, leur légèreté, leur brusque changement de couleurs. Il est le rêve. Tout autour de lui grouillent des créatures burlesques, sauvages, trépidantes, animales. Enfants perdus, fauves, pirates, sirènes, peaux-rouges, fées, loups et oiseaux s’entremêlent dans le foisonnement du pays imaginaire, qui est à la fois île, cabane, lagon, maison souterraine, campement indien et bateau de flibustiers.

Danses, luttes et rythmes sauvages alternent alors avec des plages de poésie extatique – « liquide », selon le compositeur –, qui s’estompent parfois pour revenir à l’univers gris de la chambre d’enfant de Wendy ou au savoureux talent de conteuse de Mamie Wendy.

Inscrire dans le cercle magique du cirque et dans un lieu unique ces débordements débridés – en apparence seulement ! – de temps, de lieu et d’action ; saisir d’un trait de pinceau la silhouette de Peter Pan en s’appuyant sur son image diffractée en trois fois deux cent trente enfants complices, doubles oniriques comme sortis d’un miroir à facettes : enfants-jungle, enfants-végétaux, rois de l’imaginaire… ; raconter enfin une histoire multiple, jonglant entre évocation et réalité pour laisser ouverte la question : « ai-je rêvé ? » : telles sont les données poétiques de cette œuvre ouverte, qui offre à un metteur en scène tout un monde de possibilités.

Isabelle Partiot, metteur en scène.

15 janvier 2006

Distribution détaillée de la création avec indications d’Isabelle Partiot sur ses options de mise en scène-décors

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Acteurs (1 adulte, 1 enfant**) :

Mamie Wendy (rôle parlé) : Marie-Christine Barrault

Lucie (rôle parlé, env. 10 ans) : Clara Le Corre / Romane Gorce*

Chanteurs solistes enfants** (7 rôles) :

Peter Pan (voix d’enfant, env. 12 ans) :  Mathieu Leroux / Théo Bourgery

Wendy jeune fille (soprano, env. 15 ans) : Pauline Lazayres / Alison Holm

Guignard, garçon perdu (voix d’enfant, env. 12 ans) : Anton Barsoff/ Timothée Gery

Zigomo, garçon perdu (voix d’enfant, env. 12 ans) :  Sixtine Le Borgne / Raphaël Triquet

Frisé, garçon perdu (voix d’enfant, env. 12 ans) :  Juliette Montagne / Bastien Robinet

Flocon, garçon perdu (voix d’enfant, env. 12 ans) :  Louis Pottier-Arniaud / Malory Matignon

Lys Tigré, fille du Chef (mezzo-soprano, env. 16 ans) : Anaïs Gonzalez / Charlotte Taïeb

Chanteurs solistes adultes  (4 rôles + 1 = 5) :

Mme Darling (rôle parlé) – Tin-Tam (soprano colorature) : Gaële le Roi

M Darling (rôle parlé) – Capitaine Crochet (baryton-basse) : Marc Barrard

Nanita, nourrice (rôle parlé, travesti) – Simoun, pirate (ténor léger) : François Piolino

Teigne, pirate – Chef indien (basse) : Eric Freulon

Enfant perdu, rôle soutien(soprano) : Isabelle Poinloup****

Chœurs (enfants issus des écoles de Paris, Choeurs du Châtelet et Maîtrise de Paris***, tous situés dans les gradins derrière l’orchestre)

Pirates : chœur d’hommes

Sirènes : chœur de femmes

Guerriers peaux-rouges : chœur d’hommes

Femmes peaux-rouges : chœur de femmes

Enfants peaux-rouges : chœur d’enfants

Garçons (les enfants perdus) : chœur d’enfants

Fées : chœur d’enfants et chœur de femmes

Fauves/serpents/loups/crocodile : chœur d’enfants

11 acrobates et 4 extras : Artistes de cirque, Compagnie du Bois Midi de Charles Millet****

NB : Pour clarifier l’action et ses divers changements de lieux , j’ai ajouté sur scène 11 acrobates et 4 extras, qui « SONT » le décor au moyen de costumes accessoirisés, et qui participent aussi à l’action.
Ils jouent alternativement : pirates, indiens, crocodile, fauves, loups, sirènes, fées, rameurs, tonneaux, voiles, arbres, portes et  fenêtres ainsi que cheminée, harpe, etc. avec changements rapides des costumes accessoirisés.

  • Tous les rôles (solistes et chœurs), en accord avec  Patrick Burgan, peuvent être tenus par des adultes.

*double distribution pour les rôles d’enfants

**Chœur d’enfants Sotto Voce (Scott Alan Prouty, directeur)

***Maîtrise de Paris (Patrick Marco, directeur)

****Sont écrits en italiques les participants non prévus dans la partition et ajoutés par le metteur en scène, en accord avec le compositeur et le chef d’orchestre.

 

Peter Pan